Je tiens tout d’abord à présenter au nom du Collectif Urgence Palestine nos plus sincères condoléances au peuple palestinien.
C’est avec une immense tristesse que nous avons appris le décès du Président de l’Autorité Nationale Palestinienne Yasser Arafat et en ce jour de deuil, nous tenons à assurer le peuple palestinien de notre totale solidarité.
Nous tenions aujourd’hui à rendre hommage à cet homme d’Etat, infatigable combattant de l’indépendance nationale, du droit au retour, d’une paix israélo-palestinienne fondée sur le droit et le respect mutuel.
Nous tenions aujourd’hui à rendre hommage à un homme qui a su promouvoir, diriger et incarner le mouvement de libération nationale, et garantir l’unité nationale palestinienne.
Nous éprouvons de la tristesse bien-sûr, mais aussi de la colère et de l’indignation.
En effet la maladie et la mort ont frappé le président Arafat, après des décennies de lutte, alors que depuis trois ans l’armée d’occupation du gouvernement israélien le retenait prisonnier à l’intérieur de la Muquata’a dans des conditions qui ont sans aucun doute contribué à la dégradation de son état de santé.
Cet emprisonnement était à l’image de la situation de l’ensemble du peuple palestinien vivant dans un pays assiégé, morcelé, colonisé, étouffé par l’occupation de l’armée israélienne et des colons ou exilé dans les camps de réfugiés
Cet emprisonnement était justement imposé au Président Arafat parce qu’il représentait ce que rejette et redoute le gouvernement israélien : l’unité nationale et l’espoir d’une paix juste.
C’est précisément pour cela que les gouvernements israéliens successifs appuyés par l’administration américaine, ont cherché en vain à le délégitimer et à le marginaliser, élaborant, depuis Camp David en juillet 2000, la fable de " l’absence d’interlocuteur palestinien " pour négocier.
Aujourd’hui certains voudraient nous faire croire que la mort d’Abou Amar lève un verrou, qui aurait bloqué jusqu’à maintenant des négociations de paix, et la diplomatie helvétique n’est malheureusement pas en reste pour ce type de déclarations.
Non seulement c’est faire insulte à la mémoire du président palestinien mais en continuant à fermer les yeux sur la réalité c’est se rendre complice de ce que vit au jour le jour le peuple palestinien : la colonisation, la construction du Mur de l’apartheid, les assassinats, l’emprisonnement arbitraire, les destruction de maisons, de champ d’oliviers.
Alors qu’ Ariel Sharon espère annexer au moins partiellement la Cisjordanie contre un hypothétique retrait par étapes de Gaza, véritable prison à ciel ouvert soumise aux bombardement et aux exactions de l’armée israélienne, le passé et le présent ont montré que l’Etat israélien se moquait du droit international et des droits humains des Palestiniens et des Palestiniennes.
Que Yasser Arafat soit décédé ne change rien à cette situation, chaque jour de jeunes Palestiniens, souvent des enfants sont abattus par l’armée israélienne parfois de sang-froid, chaque jour le Mur de l’Apartheid progresse un peu plus, chaque jour est un jour de plus en prison pour les prisonniers politiques palestiniens comme Marwan Bargouthi et bien d’autres.
La semaine qui vient de s’écouler a vu 7 Palestiniens mourir, dont un adolescent de 14 ans, sous les balles de l’armée israélienne et des dizaines de Palestiniens et Palestiniennes, dont un enfant de 11 ans blessés par les tirs de l’armée d’occupation , des dizaines de Palestiniens ont été arrêtés dont 4 adolescents, 7 maisons rasées , plus de 100.000 m2 de terres agricoles dévastés, et 8 villages ont du subir l’invasion des forces d’occupation. Et c’était une semaine calme en comparaison des derniers mois…
Aujourd’hui oeuvrer vers une paix juste et durable sur la base du droit international comme le souhaitait Yasser Arafat ne consiste pas à réécrire l’histoire en faisant d’ Abou Ammar la cause des malheurs du peuple palestinien mais en regardant la réalité de la politique israélienne en face.
Aujourd’hui œuvrer pour une paix juste et durable sur la base du droit international c’est assumer les obligations faites aux Etats ayant signé la convention de Genève de tout mettre en œuvre pour la faire appliquer et à ce titre des sanctions économiques et politiques à l’encontre de l’Etat israélien sont plus que jamais nécessaires.
Si la Suisse veut réellement jouer un rôle pour une paix juste et durable au Proche-Orient, alors :
– Elle doit œuvrer à la mise en place immédiate d’une force de protection internationale du peuple palestinien
– Elle doit œuvrer à l’adoption par les Nations Unies de mesures contraignantes à l’égard de l’Etat d’Israël pour qu’il applique enfin les nombreuses résolutions de l’ONU le concernant.
– Elle doit conformément aux recommandations de la Cour Internationale de Justice du 9 juillet dernier et au vote de l’Assemblée Générale des Nations-Unies du 20 juillet, faire pression efficacement sur Israël pour le démantèlement du Mur érigé en Cisjordanie et ceci s’exprime concrètement par la suspension de la collaboration militaire et la résiliation de l’accord de libre échange économique entre la Suisse et Israël.
– Elle doit enfin exiger la libération des prisonniers politiques palestiniens, et défendre des institutions palestiniennes indépendantes, dans une Palestine débarrassée de l’occupation.
Chaque droit fondamental bafoué et chaque violation du droit international humanitaire accélèrent la course globale vers la barbarie guerrière.
Alors qu’un deuil supplémentaire s’abat sur la population palestienne et tout le mouvement de solidarité mais aussi que l’occupation guerrière fait rage en Irak, que Falloujah croule sous les bombardements américains, nous vous avons appelés à cette manifestation dans le cadre de la semaine internationale contre le Mur.
A Londres, à Paris, à Athènes d’autres manifestations similaires se déroulent en ce moment même pour ce combat pour la justice, la liberté et le respect entre les peuples, ce combat était celui de Yasser Arafat et nous dédions cette manifestation à sa mémoire.
Pour terminer et à titre personnel, je tenais à vous dire que les images qui me resteront de Yasser Arafat seront celles glanées durant ces quarante jours passés à ses côtés dans la Muquata’a assiégée.
Celle de son accueil lors de notre entrée dans la Muquata’a assiégée, celle de l’homme d’Etat qui a bien voulu prendre le temps de s’asseoir à notre table pour discuter avec nous de la situation, celle du combattant qui entre deux entretiens avec les Powell, Zini ou autres représentants internationaux, venait montrer aux soldats palestiniens et aux jeunes volontaires venus pour soutenir un siège inégal, où replacer une table ou une armoire pour mieux protéger une pièce d’éventuels tirs israéliens..
Ces quarante jours resteront à jamais gravés dans ma mémoire, et la tristesse que j’éprouve aujourd’hui est celle de la mort d’un symbole de la lutte du peuple palestinien, mais aussi tout simplement d’un homme profondément accessible et chaleureux dont les derniers jours m’ont peut-être fait découvrir que je lui portais une affection bien supérieure à celle que j’imaginais, et ceci je tenais à le partager avec vous.
Par son combat, Abu Ammar vivra ! Palestine vaincra !